(V)IVRE
- Odile Guyonnard
- 11 déc. 2021
- 1 min de lecture
Ils ont marché toute la nuit le long des rails, rattrapés de temps à autre par un poussif train de marchandises. Il faut gagner la grande ville, sans se faire repérer. Là-bas, ils verront bien. Des mains se tendront, peut-être… A chaque jour suffit sa peine.
Ils ont peu parlé. Leurs rêves et leurs espoirs, ils craignent de trop les dire, par peur d’en perdre la magie. C’est une superstition nécessaire.
Parfois, il a trébuché. Elle l’a aidé à se relever. Elle a eu froid. Il a déposé son blouson sur ses épaules.
Ne pas s’arrêter, persister dans la rage d’avancer.
Apparaissent quelques bâtiments isolés dans une triste friche industrielle en voie de désaffection. L’endroit est désertique. Pourtant, quelques voitures garées plus loin, quelques lumières crues éclairant des tôles, des câbles, des murs lépreux, des structures de métal. Un hangar, toutes portes ouvertes, haut comme un gratte-ciel.
De grandes lettres écrites à la craie blanche. Mais ils ne savent pas cette langue-là.
Et soudain, ils l’ont vu. Surgissant de la nuit glacée, de la grisaille informe, des ramassis de désespoir, rebelle et triomphant.
Le soleil.
Ils se sont regardés dans le jour commençant. Il l’a vue si courageuse dans la jeune lumière, elle l’a trouvé si digne dans la clarté naissante.
- Viens ma colombe, viens ma toute belle…
- Me voici, mon bien-aimé...
Contre le mur du hangar, elle s’est appuyée, offerte. Il s’est approché. Tout près. Leurs bouches se sont jointes, ils ont bu chacun à la source de l’autre. Ils se sont étreints.
Pour saluer ce nouveau matin et leur désir de vivre toujours recommencé.
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