La campagne frissonne
- Auteur-trice Écrirensemble
- 30 avr. 2020
- 2 min de lecture
de Laurence de La Chapelle
La campagne frissonne dans la brume matinale
La terre grelotte dans son coussin glacial
Le clocher s’éveille et tente une ouverture
Il pique de son doigt magique l’azur
Mais rien ne se lève, tout pèse
Le frimas a étendu, grande, son alèze
Le brouillard recouvre mon regard de fatigue
Et sous sa couverture, la contrée il endigue
Le matin s’épuise, englué dans une ouate
Silencieuse la plaine est éteinte et moite
Pas un son n’ébruite cet intervalle
Un long temps d’ingestion absorbe le val
Mes yeux filtrent le paysage avec application
Ils scrutent le silence, s’éternisent à l’horizon
S’accordent à ce moment de vie endormie
A travers un rêve gris d’hiver endolori
Je discerne en premier plan les bosquets,
Leurs feuillaisons guettent, tremblotantes, à l’arrêt
Elles appréhendent le temps. Hésitant à poindre,
Les bourgeons agglutinés tardent à se disjoindre
D’ahan, l’arbre relève sa tête et observe
Un châle blanc lui sert de minerve
Que va faire la brume, peut-être obtempérer
Dissoudre ce qui lui sert de cache-nez
S’ouvrir au jour pour aérer leurs poumons
Ou s’éterniser par vaux et par monts
La condensation s’est fait basse, épaisse, humide
Le brouillard a laissé ses dépôts perfides,
Il recouvre de givre la campagne obscure
L’humus refroidi se terre et, patient, endure
La buée, comme un grésil diaphane et cristallin,
Nappe la contrée d’un drap de lin
Dans sa couche chenue, elle languit, impénétrable,
Figurant dans son linceul un vieillard incurable
Elle stagne comme le déclin qui s’endort
Et songe, anémiée, à tromper la mort
Dans un moment où le masque s’étire
Blafard comme l’éternité dans des tons de cire,
La nature se tapit sous les nuées incolores,
Assoiffées d’ampleur, d’envergure, qui s’étendent, inodores
Affadissant le paysage et affaiblissant la vue
Dans un rêve translucide, enveloppant, voire inattendu
Elles stagnent, se complaisent dans leur léthargie
La nature ne sommeille pas, elle languit
Elle attend l’instant où la nuée, bannie,
Essoufflée, déchirée, suffoquant, de soupirs en inspirs
Dédiera son dernier moment d’éternité au zéphyr
Avant de s’éclipser, dégradée, diluée par l’astre
Dont l’œillade féroce reprendra droit au cadastre.

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